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=> Investissement productifs, appelé aussi investissements matériels ou quantitatifs peut se définir comme étant à la fois la formation de capital, c'est à dire la création ou l'acquisition de biens de productions, les biens eux-mêmes et, d'une façon générale, toutes les dépenses en capital susceptibles de maintenir ou d'accroître son potentiel de production.

L'investissement productif est lié à deux paramètres : la croissance de l'entreprise qui nécessite un accroissement de son potentiel de production et le progrès technique qui rend inutilisables les anciens équipements, devenu obsolescents obligeant à moderniser l'appareil de production.

Les investissements immatériels ou investissements intellectuels. Les entreprises investissent de plus en plus en recherche ( appliquée ou recherche développement ), information formation et perfectionnement des hommages travaillant dans l'entreprise, investissements commerciaux destinés à améliorer les débouchés ( publicité, développement de marques ).

Un investissement immatériel est très dur à définir, tant sur le fond que sur la forme. En outre, celui-ci affiche une rentabilité difficilement mesurable en chiffres.

D'après leurs objectif.

=> Investissement de renouvellement, Comme son nom l'indique, cela peut se définir par une nécessité de renouveller les équipements qui sont trop usé ou devenu obsolète. Ce type d'investissement peut très bien être immatériels, avec les frais lié à l'embauche d'un cadre à la suite d'un départ à la retraite. Ces investissements ont pour objectif le maintien de la capacité de production et la réduction des coûts; ces investissements n'ont à priori de répercussion ni sur le chiffre d'affaires ni sur le montant ou sur la structure des recettes d'exploitation.

=> Investissement d'expansion destinés à accroître la capacité de production de l'entreprise, sa palce sur le marché, la diversification de son activité, un changement de structure d'exploitation...

=> Investissement d'innovations qui permettront de perfectionner les produits ou de créer des produits nouveaux, qui correspondent souvent à des investissements immatériels du groupe.

=> Investissement stratégique au niveau de l'entreprise ou du groupe, destinés à réduire le risque, à améliorer les conditions de travail dans l'entreprise, à accompagner les choix stratétiques à moyen ou long terme, à améliorer ou renforcer la position à terme de l'entreprise ou du groupe ( amélioration de productivité, création et ou suppressiojn de branches d'activités, création ou acquisition de filialiles.

Aspects comptable de l'investissement

Le plan comptable ne parle pas d'investissements mais d'immoblisations ( éléments destinés à servir de façon durable à l'activité de l'entreprise, ils ne se consomment pas par le premier usage ). Il distinge :

Les immobilisations corporelles, les immoblisations incorporelles et les immobilisations financières qui sont des comptes de la classe 2.

Les immo donnent lieu à amortissement.

Les investissements immatériels sont souvent traités par l'entreprise comme des charges, classe 6. Cependant, le Plan Comptable prévoit la possibilité de traiter les frais de recherche et de développement comme des immoblisations incorporelles ( compte 203 ) sous certaines conditions.

L'investissement intellectuel

Pierre CASPAR

Professeur au Conservatoire national des arts et métiers - Paris France

« Plusieurs fois déjà, dans l'histoire des nations, les règles fondamentales qui rythment l'activité des hommes ont changé. L'économie industrielle a succédé à l'économie agricole marchande. Celle-ci s'était substituée à l'économie féodale » [1]. Ce moment, nous le connaissons à nouveau. Les mutations technologiques en cours, les évolutions socio-culturelles à l'œuvre actuellement, le rôle accru des connaissances dans le fonctionnement des systèmes productifs sont en train de faire basculer les nations développées dans une autre problématique. Les autres également, ne serait-ce que par contre-coup.

Les questions des dernières années ont été celles de la diffusion des technologies et de leur impact sur les principaux ressorts de l'économie industrielle. L'interrogation qui va s'y substituer est celle du changement de nature du système socio- économique lui-même. Les raisonnements classiques sur le travail et le capital ne paraîtront plus pertinents face à un système de production et d'échange qui se structure autour de la gestion du savoir, véritable investissement des temps modernes. A condition, bien sûr, d'accepter que la « matière première stratégique » de l'industrie, ne soit plus désormais le charbon, le pétrole ou quelque métal rare mais la « matière grise ». Celle-ci, dès qu'on sait la mobiliser, transforme tout. Il n'y a plus de secteurs de pointe ou d'industries du passé ; mais des entreprises qui misent sur l'intelligence et d'autres qui préfèrent encore s'appuyer sur des ressources moins puissantes, qu'elles soient financières ou matérielles.

A l'appui de cette hypothèse, on peut identifier avec l'OCDE un certain nombre de points communs aux entreprises et aux pays compétitifs :

­ leur niveau culturel élevé et le haut degré de qualification de la main-d'œuvre, ­ une inscription de plus en plus fine de l'intelligence humaine dans les matériaux et dans le processus de production et de commercialisation, ­ la recherche délibérée de l'information, son analyse et son exploitation systématique, de façon à anticiper sur les changements provoqués ou induits, ­ la mobilisation des potentiels dans un nouveau partage des responsabilités, ­ l'acceptation du fait que le changement concerne tout le monde et que chacun peut y contribuer, ­ l'exploitation rapide des ressources offertes par les technologies les plus avancées, ­ l'extrême rapidité de réaction à tous niveaux, ­ la recherche systématique de la productivité dans les petites tâches quotidiennes et pas seulement sur les grands projets, ­ la cohérence entre les discours des responsables et leur mise en pratique.

Tous ces choix ont eux-mêmes un point comun : le pari sur l'intelligence transformatrice, le pari sur l'homme, un renvoi vers la « base » de l'exercice de cette intelligence.

Admettons le bien fondé et l'efficacité des choix précédents, face au faisceau croisé de mutations économiques, techniques et scientifiques, sociales et culturelles que nous vivons. On ne peut alors qu'être convaincu de la nécessité de donner un poids croissant aux investissements immatériels, à répartir l'exercice de l'intelligence et donc du pouvoir qui lui est attaché, à faire naître une attitude différentes envers la technologie et le changement.

S'il est toujours vrai d'affirmer que l'investissement physique commande le développement des techniques et technologies nouvelles, les progrès de compétitivité et la possibilité d'arriver à un taux de croissance économique suffisant, il faut constater que le contenu de l'investissement à sensiblement changé au cours des 10 dernières années. Non seulement la nature des biens d'équipements accumulés se modifie ; mais on observe, parallèlement à l'investissement matériel en bâtiments, machines et équipements de production, un essor considérable d'autres dépenses consacrées à préparer l'avenir : dépenses de logiciels informatiques, de développement commercial, de formation, de recherche-développement, d'information. L'investissement change d'identité dans la société.

Si la notion « d'investissement intellectuel » apparaît aujourd'hui, ce n'est pas seulement affaire de mode ou de langage. Il s'agit plutôt d'une volonté délibérée consistant à miser sur l'introduction et le développement du savoir dans tous les éléments qui composent un système de production, au sens large du terme. Et à en attendre, en retour, des effets permanents et durables.

Il n'est plus raisonnable, en effet, de ne parler que des biens matériels comme les immeubles, les machines ou les matériels de transport, lorsque l'on parle investissement. Car on sait bien qu'il faut désormais y ajouter un ensemble considérable de dépenses à consentir dans le secteur « quaternaire », dépenses dont les impacts s'apprécient à terme beaucoup plus long qu'une année fiscale. De même, il n'est plus raisonnable, lorsque l'on parle productivité, de ne s'intéresser qu'aux performances des outils et des machines, qu'ils soient traditionnels ou à la pointe du progrès. Car on sait bien que la contribution de la technologie la plus moderne est extrêmement dépendante de la relation homme-machine que l'on a su créer. Ici encore, des dépenses sont à consentir qui ne se situent pas dans le palpable, le matériel, le visible, mais dans la création de potentiel, l'assimilation de nouvelles logiques et le développement de l'intelligence des situations.

Quelques chiffres peuvent nous aider à préciser les choses. Ainsi l'évolution de l'investissement en France depuis 1974, en distinguant entre formation brute de capital fixe (EBDF) et investissement immatériel et investissement total.

[] Évolution de l'investissement [2] (Base 100 en 1974)

On le voit, le taux d'investissement « physique » des entreprises décroît sur la période et passe de 18,1 % en 1974 à 15,4 % en 1983. Il y a simultanément, évolution de la structure même de ce que l'on range communément sous la bannière de l'investissement immatériel. L'investissement immatériel tend à représenter une part croissante des dépenses des entreprises. L'évolution du ratio 1.1/FBCF passe de 21,2 °Io en 1974 à 32,2 °/o en 1983.

C'est avec toutes ces questions en tête que le Centre de Prospective et d'Évaluations du Ministère de l'Industrie des P et T et du Tourisme français a souhaité engager une réflexion approfondie sur ce domaine. Pour des raisons que nous expliciterons plus loin, il a choisi de la conduire sous le vocable général « d'investissement intellectuel », expression qui paraissait renvoyer à une attitude et à des démarches plus globales que l'investissement immatériel stricto sensu.

Nous présentons ici quelques éléments extraits d'un rapport « Essai sur l'investissement intellectuel » que le CPE a publié fin juin 1986 (1). Le plan que nous suivrons est le suivant :

(2) Étude CPE n° 71 ­ P. CASPAR avec la collaboration de C. AFRIAT. CPE 1, rue Descartes, 75005 Paris.

Investissement immatériel : structure de (1974 à 1983)

Source : Crédit national

­ Qu'entend-on par « investissement intellectuel » ?
­ Quels domaines d'application peuvent illustrer ce propos ?
­ Deux questions fondamentales qui restent sans réponse.

L'existence d'un véritable capital intellectuel, au sens d'une ressource produisant des revenus, est attesté par l'histoire. En négatif, lorsque l'on songe, par exemple, aux conséquences de l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie. En positif, lorsque l'on voit comment des connaissances acquises, durant les dernières grandes crises de ce siècle, ont pu être valorisées à nouveau après la destruction complète des usines et laboratoires où elles étaient nées. Le « facteur résiduel » des économistes représentait une tentative.

Pourquoi avons-nous avancé l'expression « investissement intellectuel », expression qui n'apparaît pratiquement pas dans la littérature, alors que les notions auxquelles nous faisons référence, ici, sont plutôt abordées sous le vocable investissement « immatériel » ou « non matériel », ou, parfois, « incorporel ». La raison est simple : si l'on admet que désormais la ressource principale de l'entreprise devient la connaissance, capitalisée sous la forme d'un potentiel technologique ou social, que les structures de décision de l'entreprise tendent à organiser la mobilisation des compétences en associant l'intelligence à l'exercice du pouvoir, il nous semble nécessaire de disposer d'un cadre de pensée plus large que ce que recouvrent, traditionnellement, les concepts d'investissement incorporel et d'investissement immatériel.

Le concept d'investissement incorporel remonte à une époque où l'on distinguait encore les apports en capital et les apports en industrie. On le retrouve de façon privilégiée dans le commerce et l'artisanat, lorsque l'on parle de clientèle, par exemple de fonds de commerce ou de brevets.

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  1. (1) Cf. P. LEMOINE ­ Prospective 2005.
  2. Source : Crédit national


Le concept d'investissement non-matériel » ou immatériel s'attache à la nature des ressources dont on s'est doté, à savoir une forme particulière de bien qui n'est pas physique.

Parler d'investissement intellectuel, c'est s'intéresser aussi aux stratégies visant à introduire et à valoriser la connaissance et la créativité humaines dans les processus que préparent, permettent, accompagnent ou font évoluer la production comme la commercialisation.

« L'investissement intellectuel », c'est la mise en œuvre d'une pensée globale qui mise délibérément sur l'introduction de l'intelligence dans les processus de conception, de production, de commercialisation, dans l'organisation des rapports d'autorité, de communication, de travail et même dans les produits et services qui fondent l'activité et la raison d'être d'une firme ou d'une nation. Et le dégagement de ressources qui accroissent ou améliorent la productivité. De façon permanente et reproductible.

A ce niveau, une confusion est cependant à craindre entre d'une part, les dépenses de fonctionnement effectuées dans des domaines immatériels, mais liées à un exercice donné, qui maintiennent le potentiel de production et la position de l'entreprise ; et, d'autre part, les dépenses qui constituent un véritable investissement. Dans ce second cas l'allocation de ressources consentie par l'entreprise vise à la doter de qualifications, de potentiels durables, d'éléments structurels permanents dont les effets dépassent le cadre d'une année ; ces opérations favorisant la capitalisation de savoir-faire et la création de richesse pour l'entreprise. Une charge d'exploitation n'est pas un investissement. Passer de l'une à l'autre implique trois conditions :

  • une rupture par rapport à ce que l'extrapolation des dépenses conduirait à engager une année donnée. On ne peut, en toute rigueur, parler « d'investissement » que lorsqu'il y a rupture par rapport aux tendances extrapolées du passé. C'est probablement une distinction de cette nature qui serait à appliquer aux dépenses de formation par exemple pour distinguer, d'une part, celles qui sont des charges d'exploitation, même à un niveau élevé, et, d'autre part, celles qui dépassent largement la maintenance et l'évolution des compétences acquises et qui visent un changement délibéré dans l'état de celles-ci ;
  • deuxième condition à remplir : un véritable enracinement qui fixe et entraîne le potentiel ainsi créé, qui permet de la considérer comme un capital authentique que l'on s'est approprié en le créant ; c'est tout le problème de la transférabilité des savoirs qui se trouve ainsi posé. On sait, par exemple, qu'une société de conseil peut voir sa valeur changer fondamentalement à la suite du départ de quelques collaborateurs, si elle n'a pas su dépasser le stade où les connaissances sont la propriété des personnes pour capitaliser expériences et méthodes de travail pour le bien de la communauté. La création d'un complément de patrimoine et sa possible cessibilité en découlent ;
  • enfin, il ne saurait y avoir véritable investissement sans que soit créée une possibilté réelle de multiplication des capacités actuelles de développement de l'appareil de production, de réalisation des potentialités de l'entreprise, grâce à la mise en œuvre des ressources stratégiques nouvelles dont elle s'est ainsi dotée. Cela implique que l'érudition, par exemple, puisse être éclairée par la réflexion. Cela implique aussi que l'investissement ainsi réalisé s'appuie sur une compréhension du sens du changement qu'il induit, c'est-à-dire qu'il y ait à la fois une stratégie mais aussi une éthique. Et, que celle-ci soit suffisamment partagée.

C'est pourquoi, on ne saurait parler « d'investissement intellectuel » sans revenir, un instant, sur ce qui est dit sur l'intelligence, cette donnée, encore mal définie, par laquelle l'homme a, de toute temps, cherché à se différencier des animaux. Car c'est beaucoup plus l'idée « d'investissement dans l'intelligence » qui est au centre de notre propos, plutôt que tout ce qui est connoté au mot intellectuel ; c'est-à-dire à ce qui est seulement d'ordre mental, avec tout ce que cela peut impliquer comme décalage ou réduction par rapport à la réalité des choses, des choses matérielles comme des émotions et de l'affectivité.

L'héritage philosophique de la conception de l'intelligence est, de ce point de vue, tout à fait instructif. L'intelligence a longtemps été considéré de façon cartésienne, positiviste, rationalisante. C'est-à-dire comme un « outil » qui permet d'atteindre ses buts par des chemins modifiables, qui donne la possibilité d'opérer une discrimination et une sélection dans tout ce que les sens nous fournissent. L'intelligence, c'est aussi un ensemble de capacités qui permet aussi de réaliser des constructions abstraites, de jouer avec elles et de les recomposer en fonction des règles que l'on s'est donné ; un ensemble de capacités, d'analyses, d'études et de résolutions de problèmes, de raisonnement et surtout d'élaboration de systèmes formels qui sont les modèles. Quelle puissance extraordinaire que de pouvoir disposer de toutes ces capacités ; à conditions bien sûr de pouvoir les construire, de vivre des situations où l'on peut les mettre en œuvre, les entraîner, les valoriser. Car l'intelligence se développe ; mais elle peut aussi s'atrophier.

Mais l'intelligence c'est aussi, et pour beaucoup, l'imagination et l'intuition. C'est-à-dire la possibilité de concentrer tout un ensemble en une pensée unique et essentielle. L'intelligence est une « épée de feu » dit-on. Elle tranche à travers les brouillards et les broussailles. Elle met en rapport des éléments qui n'auraient jamais, sans elle, été mise en rapport. Partant de la mise en relation de choses apparemment secondaires, elle permet d'aboutir à quelque chose qui relève du fondamental. C'est d'ailleurs, ce qui rend si difficile la définition de l'intelligence : mettant en œuvre un certain nombre de « fonctions », elle les transcende par la possibilité qu'elle offre de se rapprocher d'un principe directeur unique qui expliquerait l'univers. La quête d'Einstein n'avait pas d'autre but.

« Investissement intellectuel » ? C'est effectivement une expression discutable. Mais « investir dans l'intelligence », c'est tout simplement être pleinement humain, et peut-être un peu plus.

Deux raisons nous poussent à rechercher quelques domaines illustrant la possible mise en pratique du concept « d'investissement intellectuel ». A un nivau très pratique, c'est le désir de pouvoir répondre par exemple à un industriel qui, convaincu par les propos précédents, souhaiterait pouvoir les concrétiser et s'interrogerait sur des champs d'application immédiate. A un niveau plus général, c'est l'intuition de la nécessité d'un détour par l'identification d'un certain nombre de possibles champs d'application, si l'on veut être capable, un jour, de trouver une certaine cohérence dans le concept proposé ici. Car, s'il est séduisant, il est aussi trompeur par sa globalité même. Aussi, peut-il être utile de décliner un certain nombre d'activités auxquelles on accorde habituellement la dénomination d'intelligentes.

Raisonnons du plus quantifiable au moins quantifiable, de ce qui relève le plus de « l'intelligence pratique » à ce qui met le plus en œuvre ce que l'on pourrait appeler « l'intelligence fondamentale ». On peut rapidement identifier une bonne douzaine d'activités qui illustrent la proposition conceptuelle faite dans ce texte. Et qui sollicitent une bonne partie des multiples facettes de l'intelligence. Nous allons en présenter ici quelques unes, sans qu'il faille regarder avec trop de rigueur l'ordre de présentation, ni chercher à tout prix, à ce stade de la réflexion, les liaisons entre ces champs.

1. L'investissement en recherche et développement,

2. l'investissement en formation,

3. l'investissement dans les logiciels informatiques,

4. l'investissement commercial,

5. l'investissement dans les matériaux, les objets et les processus de production,

6. l'investissement dans les personnes et les structures,

7. l'investissement stratégique,

8. la sous-traitance et l'achat d'investissement intellectuel.

Parmi tous les éléments que nous passons en revue ici, la recherche est certainement le domaine le mieux connu car elle représente, pour de nombreuses entreprises, un élément important de leur projet global d'investissement et de leur stratégie de développement. On la considère généralement comme un processus qui transforme des moyens en personnel et matériel (inputs) en résultats (outputs) eux- mêmes susceptibles d'être utilisés dans l'innovation, c'est-à-dire dans l'introduction au sein de la production industrielle (au sens large) d'un produit ou d'un processus nouveau. L'analyse des « inputs » de la RD procède depuis 1963 d'une méthodologie statistique particulièrement élaborée, commune aux différents pays de l'OCDE : il s'agit du « Manuel de Frascati » qui sert de base à la collecte des données et permet, en théorie du moins, de comparer les coûts à des impacts, comme on le ferait pour une démarche d'investissement matériel.

Se trouvent réunis, sous cette rubrique, trois principaux postes : ­ « ¡es travaux de recherche fondamentale sont tous ceux qui concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels en vue d'organiser en lois générales, au moyen de schémas explicatifs et de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse,

  • la recherche appliquée est entreprise, soit pour discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale, soit pour trouver des solutions nouvelles permettant d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Elle implique la prise en compte des connaissances existant et leur extension dans le but de résoudre des problèmes particuliers,
  • le développement, est l'ensemble des travaux systématiques, fondés sur des connaissances obtenues par la recherche ou l'expérience pratique, effectués en vue de la production de matériaux, systèmes ou services nouveaux ou en vue de leur amélioration substantielle ».

La formation des hommes, leur adapation fréquente aux nouvelles technologies et formes d'organisation, sont devenues une nécessité pour les entreprises confrontées maintenant à une révolution technologique et scientifique qui bouleverse l'ensemble du système productif. La formation joue un rôle de plus en plus important dans la mise en œuvre du progrès technique et dans la recherche des progrès de productivité. Ainsi avec la recherche et le développement, la formation apparaît comme « l'investissement intellectuel » le plus évident ; en effet, en consacrant des ressources financières et surtout temporelles à leur formation, les individus investissent en eux-mêmes et constituent un capital humain dont ils espèrent tirer des bénéfices ultérieurement. Simultanément l'inappropriabilité du capital humain conditionne le partage des coûts et des bénéfices de la formation acquise entre les différents partenaires.

Ce qui est important à noter également, c'est l'importance considérable des masses financières ainsi en jeu pour la formation des adultes dans certaines grandes entreprises : lorsque IBM déclare consacrer plus de 10 °/o de sa masse salariale à la formation institutionnalisée, sans parler de la formation informelle, lorsque certains grands groupes nationalisés dépensent entre 5 et 8 °7o, on se trouve confronté à des budgets tout à fait considérables que le simple bon sens commande de gérer comme on gérerait un programme d'investissement d'importance comparable.

Enfin, n'oublions pas l'appareil de formation initiale et la façon dont on l'insère dans la société, qui constitue l'un des investissements majeurs qu'une nation peut faire pour l'avenir.

L'introduction et le développement de l'informatique ont des conséquences directes sur le système productif, sur trois lignes principales :

  • développement des activités informatiques et connexes ;
  • développement de la productivité dans les secteurs utilisateurs, augmentation de la compétitivité pour les produits anciens ;
  • émergence de nouveaux produits et services.

L'investissement dans des logiciels informatiques qu'il s'agisse de logiciels de base, de logiciels d'application ou de progiciels, c'est-à-dire la production de ces biens durables et reproductibles originaux dont les résultats apparaissent sur plusieurs années, constitue désormais une activité « d'investissement intellectuel » à part entière.

Et un « investissement intellectuel » à double détente, que consentent les constructeurs du secteur informatique, les sociétés de conseil et de service, des organismes de recherche ainsi qu'un certain nombre d'utilisateurs eux-mêmes (administrations, grandes entreprises et PME...) car ils investissent dans des biens qui sont eux-mêmes générateurs d'investissement.

Au lendemain des trente glorieuses, les caractéristiques du marché ont changé. Les entreprises sont en présence de marchés diversifiés où la petite série, la rapidité de livraison et le respect d'un niveau qualité-prix convenu à l'avance fait loi.

Dans ce contexte nouveau, la concurrence s'est intensifiée sur tous les marchés. Et la compétitivité nécessaire n'est plus une question de prix mais la satisfaction globale d'un besoin qui évolue dans le temps. Désormais, on ne vend plus un produit mais un système de réponse à un ensemble de besoins.

A notre sens, la fonction de marketing doit être rangée au rang des « investissements intellectuels » parce que ses efforts visent à modifier les conditions dans lesquelles s'effectuent les échanges en y introduisant une dimension stratégique. Parce que la mesure de ses impacts, la comparaison des objectifs et des résultats, l'analyse systématique des écarts, font partie intégrante de la démarche.

De plus, les entreprises doivent se tourner vers une recherche de la « qualité » qui doit concerner non seulement les performances techniques et la fiabilité mais aussi l'adéquation des produits et la fourniture des services aux besoins des consommateurs. Cette qualité doit mobiliser l'ensemble des intervenants de l'entreprise ou de la filière produit, de la conception du produit à son service après-vente.

L'homme met de plus en plus d'intelligence dans les matériaux. Il peut d'autant plus le faire qu'il est en mesure d'exploiter leurs propriétés de façon beaucoup plus complète, grâce à la conception assistée par ordinateur, ou en incorporant, dans les objets, des capacités de traitement de l'information. Il ne s'agit pas seulement ici d'améliorer les performances, de faciliter la fabrication, de réduire les coûts. C'est une démarche qui aboutit à la conception de produits totalement nouveaux, offrant des services jusque là impossibles à réaliser. Puces et microprocesseurs apparaissent comme autant de lieux d'intelligence incorporés par l'homme aux objets qu'il fabrique. Les machines, les objets peuvent désormais s'auto- ajuster, prévoir des accidents et les éviter, procéder à des auto-diagnostics, se réparer elles-mêmes dans une certaine mesure. N'est-ce pas là une incorporation croissante d'intelligence dans la matière à un moment où l'on ne vend plus vraiment les objets mais plutôt leur usage ?

Plus généralement, l'industrie est en train de se métamorphoser complètement, comme sous l'effet d'une transfusion massive d'information et d'intelligence. Elle devient une industrie de la connaissance. Les nouveaux outils techniques de la production, de la commande numérique aux automates et réseaux de communication entre machines, des manipulateurs aux robots industriels, de la visionique à l'atelier flexible ont tous un point commun : ils sont des vecteurs, des informateurs ou des créateurs d'information. Cela grâce à la banalisation de l'électronique numérique et à l'incrustation, dans les équipements, de parcelles d'intelligence. Cet investissement massif, dont on ne tire pas encore toutes les conséquences, se trouve renforcé par un extraordinaire phénomène de convergence de l'évolution technique qui marque précisément les années que nous sommes en train de vivre.

La main-d'œuvre a été traditionnellement considérée comme une charge d'exploitation. Pourtant, il est des mesures qui se rapprochent plus d'un investissement véritable. Ainsi lorsqu'une petite entreprise embauche un ou deux ingénieurs, afin de créer en son sein un véritable pôle de compétences et d'innovation. Ou lorsqu'une grande entreprise embauche des « marginaux », de « intellectuels », c'est-à-dire augmente son potentiel de renouvellement, voire de rupture. On peut penser aussi investissement lorsque l'on décide d'élever fortement et massivement le niveau de culture technique du personnel d'une entreprise. Et que l'on prend en compte les risques de la surqualification.

L'exercice de la fonction hiérarchique vient en écho direct à ce propos. Il y a des styles de commandement, fondés sur la confiance et l'autonomie, qui reviennent à investir dans l'homme ; et d'autres qui ne le font pas. L'expression des salariés, les cercles de qualité s'inscrivent eux-mêmes dans une perspective plus vaste en termes de structures d'entreprises plus participatives. 11 s'agit de trouver une organisation qui donne à l'intelligence et à la créativité de chacun le droit d'exister. Et qui demande qu'elles soient utilisées dans leur globalité ; c'est-à-dire une organisation qui investisse dans la matière grise et qui respecte la contribution de chacun. C'est cela aussi la société de création.

Les investissements, qu'ils soient intellectuels ou matériels, ne constituent pas une fin en soi. Ils ne représentent jamais que des moyens au service d'objectifs, permanents ou transitoires, qui explicitent les valeurs et les projets des décideurs. C'est pourquoi, sans oublier l'intuition novatrice parfois fondamentale, il nous paraît tout à fait légitime de considérer le temps, les dépenses et les moyens consacrés au développement d'une pensée stratégique comme un « investissement intellectuel » majeur, puisque c'est celui qui donne un sens à tous les autres.

Ici encore maintes formes complémentaires peuvent être distinguées. Far exemple :

­ le montage de système de vieille, de vigie,

­ la création de banques de données, techniques scientifiques, économiques, commerciales ou sociales,

­ les systèmes experts qui démultiplient nos pratiques décisionnelles, c'est-à- dire qui permettent d'accroître de façon durable notre capacité à faire face aux problèmes de demain,

­ enfin tout ce qui conduit à prendre du temps sur le temps pour mieux le gérer.

Une chose est de s'engager personnellement dans un effort « d'investissement intellectuel » en se dotant des moyens correspondants. Une autre est de constater qu'il y a des « professionnels » de ce type d'investissement et d'avoir recours à leurs services, moyennant finances. Si l'on admet que ceci correspond à une allocation de ressources financières pour acquérir un potentiel, un ensemble de capacité dont les effets se feront sentir dans la durée, il n'est pas illégitime de se référer à un investissement.

On peut alors évoquer un certain nombre d'actes précis comme, par exemple :

­ recourir à un consultant extérieur pour une opération lourde,

­ participer au financement d'un centre de recherche de la profession,

­ instaurer des relations privilégiées entre établissements industriels et établissements d'enseignement,

­ développer des réseaux et des maillages nationaux ou internationaux de différentes natures.

Quelques pistes ont été ouvertes. Beaucoup de questions restent sans réponse. Nous n'en citerons que deux.

D'abord la réalité de l'existence du concept proposé ici. On court toujours le risque, en effet, de vouloir fédérer en un même ensemble ce qui n'est qu'une somme de réalités différentes. C'est pourquoi la question de la reconnaissance et de la mesure de « l'investissement intellectuel » est essentielle. Sa reconnaissance comptable, sa reconnaissance fiscale et la possibilité de le financer sur des crédits bancaires. Sans parler de la reconnaissance statistique au niveau des États.

Réciproquement, ne pas pouvoir considérer ces dépenses comme des investissements réels et amortissables peut avoir des conséquences fâcheuses. Cela conduit à surestimer les coûts de production pendant les périodes où ce type d'investissements est réalisé. Inversement, dans les périodes où les entreprises n'investissent pas dans de telles actions, leurs coûts de production se trouvent sous-estimés. En effet, elles ne prennent pas en compte, dans leur calcul, les investissements immatériels réalisés dans les périodes précédentes, qui pourtant ont des effets sur une longue période. Il s'ensuit qu'elles ont souvent des stratégies de prix faussées par ces pratiques qui changent artificiellement leur rentabilité et leur compétitivité.

C'est pour cela qu'il nous paraît essentiel de progresser dans les modes de comptabilisation et de reconnaissances des « investissements intellectuels » et dans la recherche de critères permettant de les repérer.

Deuxième question importante : l'ampleur des dépenses à consentir. Regardons les chiffres fournis par l'OCDE sur les investissements de cette nature réalisés dans les différents pays du monde ; on ne peut qu'être frappé par le décalage qui s'instaure même entre nations développées. L'écart est déjà grand. Et il se creuse. Et notre vieille Europe est tout spécialement concernée. Or 1'« investissement intellectuel » n'est pas une fin en soi. Il n'est qu'un moyen pour concevoir et réaliser les entreprises du 3e millénaire. Et les nations ou groupes de nations qui marqueront ce 3e millénaire. Or c'est aujourd'hui qu'il faut savoir prélever sur nos ressources pour augmenter nos capacités pour l'avenir. Seulement, dans ces domaines, ce n'est pas par petites touches qu'il faut agir. Mais en changeant délibérément les ordres de grandeur. Ainsi, ce n'est plus 2 à 3 % de la masse salariale qui doivent être investis en formation mais 3 à 4 fois plus, à travers des formes qui peuvent être très différentes de la formation classique. Ce n'est plus une tranche marginale des effectifs qui doivent exercer des fonctions faisant appel à la matière grise, mais une proportion bien plus importante. C'est probablement aussi doubler les efforts consacrés à la rechercher et au développement.

Investir c'est se mettre en possession d'un pouvoir. Pendant longtemps la compétitivité c'était l'intelligence de l'investissement fait à temps. Ce fut, après la crise pétrolière, l'intelligence dans l'investissement, c'est-à-dire le bon choix. Aujourd'hui, et dans l'avenir, la compétitivité nationale et internationale dépendra directement de l'investissement dans l'intelligence. C'est là tout l'enjeu des réflexions telles que celle-ci. Et c'est un enjeu à l'échelle mondiale.