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Historiquement, la recherche participative était effectuée par des personnes  
 
Historiquement, la recherche participative était effectuée par des personnes  

Version actuelle en date du 9 mai 2022 à 11:52

https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/180490/1807565/version/1/file/programme+23+octobre+2019_plancheLD.pdf

Recherche participative et recherche hors murs Mercredi 23 octobre de 8h30 à 10h00

Salon de l’Hôtel de Lassay, Assemblée nationale

128 rue de l'Université, 75007 Paris

Rencontre - Science et politique

Historiquement, la recherche participative était effectuée par des personnes à la formation scientifique limitée, participant à des projets animés par des experts qualifiés. Implantée dans les domaines où l’observation et le comptage étaient importants, elle touche maintenant de nombreux secteurs. Elle s’est développée en médecine, où il est maintenant peu concevable d’envisager un programme de recherche médicale - épidémiologique, diagnostique ou thérapeutique- n’associant pas patients, ou associations de malades. La recherche participative évolue, grâce à la démocratisation du savoir, l'avènement des nouvelles technologies de communication, et l’accès aux principes de la « science ouverte » (bases de données, codes des programmes et protocoles des recherches publiques). Devenue une composante clé de la science du citoyen du 21e siècle, elle implique des millions de personnes et des milliards de données collectées.

Une autre composante de la nouvelle science du citoyen, à la frontière des modèles classiques de la « recherche participative » du 20e siècle et de la « recherche académique », est la recherche « hors murs ». Elle implique des personnes à la formation scientifique de base solide, mais exerçant leur activité en dehors des murs des laboratoires professionnels, dans des communautés virtuelles, publiques ou privées. Elle touche de nombreux domaines, depuis la science des données jusqu’aux technologies de l’espace. Les « compétitions » en sont un mode d’organisation fréquent.

À l'ère d'Internet, la valeur potentielle de ces approches de recherche est élevée :

  • la recherche participative améliore la compréhension qu’a le public de la science et de sa méthode, et a un rôle dans la démocratisation du savoir et de l'apprentissage ;
  • la recherche hors-murs fait progresser les connaissances et constitue une occasion - utilisée par l'industrie - de découvrir des individus talentueux en dehors du système standard.

Face à ces avantages potentiels, il y a des risques, en particulier d’évaluation mal faite des résultats et de publication anarchique. On peut craindre, aussi, que les lignes directrices en matière d'éthique et de sécurité – qui sont édictées pour la recherche effectuée dans le cadre professionnel - ne soient pas respectées.

Au total, l’importance de ces deux formes de « recherche citoyenne » est bien présentée dans l’introduction au document final du G7 de 2018 : « À l'ère d'Internet, la valeur potentielle de ces approches de recherche est élevée : la recherche participative peut contribuer à améliorer la compréhension qu’a le public de la science et de la méthode scientifique, et peut donc jouer un rôle dans la démocratisation du savoir et de l'apprentissage. La recherche hors-murs fournit l’opportunité de faire progresser les connaissances et l'innovation d'une manière qui était auparavant inaccessible aux organismes de recherche universitaires, gouvernementaux ou industriels, et constitue une occasion - largement utilisée par l'industrie - de découvrir des individus talentueux en dehors du système de recherche standard ».

LA RECHERCHE PARTICIPATIVE

La recherche participative a été définie comme une « forme de production de connaissances scientifiques auxquelles participent, avec des chercheurs, des acteurs de la société civile, à titre individuel ou collectif, de façon active ou délibérée ²2 ».

Elle a une longue histoire. Elle concerne principalement les disciplines « naturalistes » où l’observation et le comptage sont particulièrement importants : écologie, biodiversité (comptage des oiseaux, reptiles, méduses...), astronomie, etc. Elle recouvre des campagnes d’acquisition de données (observations, mesures, échantillonnages, ... ) permettant aux scientifiques de rassembler des données impossibles à obtenir autrement, selon des protocoles de collecte et de dépouillement standardisés. Elle a l’avantage de couvrir des programmes viables, y compris de longue durée, peu onéreux, et couvrant de larges territoires. Le public concerné comprend notamment des associations d’amateurs ayant acquis une compétence réelle notamment en taxonomie (ou systématique), discipline un peu négligée à l’université.

À partir de la fin du XXe siècle, l’efficacité de ce système fut amplifiée par Internet, les réseaux sociaux et par des outils performants et démocratisés des sciences de la communication (GPS...) : la pratique s’ouvre alors au grand public, qui commence à avoir un accès important à la littérature scientifique et peut donc, en principe, influer sur les protocoles.

De nouvelles thématiques apparaissent, notamment en écologie et sciences de l’univers, grâce aux moyens nouveaux d’observation et de comptage ; le domaine de la santé explose de son côté grâce à la mise en place de partenariats impliquant des associations de malades (les 4 P de la médecine moderne : prédictive, préventive, de précision, participative), la création de plateformes collaboratives regroupant chercheurs de cultures différentes et patients ; et dans bien d’autres domaines (biologie, agriculture, énergie, psychologie, sciences de l’éducation...). Dans le domaine médical, le vécu, le savoir « expérientiel » des patients et de leurs proches, regroupés dans des associations bénévoles, est de plus en plus pris en compte dans le cadre d’un dialogue constructif avec les professionnels de santé pour une véritable « alliance thérapeutique » visant au meilleur traitement personnalisé ²3 .

Des malades guéris ou rétablis sont désormais inclus comme « médiateurs de santé pairs » dans des procédures de soins définies conjointement avec les soignants. Les associations de patients constituent souvent de véritables cohortes dans lesquelles des sous-types de malades, parfaitement identifiés au plan clinique, peuvent être éligibles pour entrer dans le cadre de programmes de recherche innovants et validés. L’exemple le plus emblématique est sans doute celui de l’alliance inédite des patients et des chercheurs qui a permis à la recherche médicale de réaliser des percées fulgurantes dans sa lutte contre le VIH/SIDA. En l’occurrence, la très forte motivation des patients a conduit à les considérer dès le début des actions de recherche comme des partenaires indispensables des chercheurs et des cliniciens. Une autre initiative qui mérite d’être soulignée est celle de l’APHP, avec la constitution, depuis 2017, de la « Communauté de Patients pour la Recherche » (ComPaRe). Elle rassemble aujourd’hui plus de 25 000 patients francophones qui ²2. http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Enseignement-superieur-et-Recherche/La-culture-scientifique-et- technique/Les-sciences-participatives-en-France (rapport coordonné par François Houllier) ²3. Martine Bungener, présente à cette réunion, a coordonné de nombreuses collaborations chercheurs-patients recherche PArTIcIPATIVe eT recherche hors murs

Le titre choisi par l’Académie des sciences (AS) et l’Académie nationale de médecine (ANM) pour la quatrième journée de réflexion avec l’OPECST est « Recherche participative, recherche hors murs ».

L’importance de ce thème fait qu’il fut un des trois sujets proposés cette année par les académies des sciences à la réunion du G7 d’août 2019 à Biarritz sous l’intitulé « La science citoyenne à l’ère d’Internet » ; il avait fait aussi l’objet d’un colloque international à l’Académie des sciences en novembre 2018, intitulé « la science hors-murs au XXIe siècle », lui-même prolongeant une réflexion entamée avec l’Académie nationale de médecine et l’Inserm en décembre 2017 sur « Partage des savoirs et perspectives de recherche ». Les documents et vidéos présentés au cours de ces précédentes réunions sont disponibles sur Internet ² .

Toutes ces journées de réflexion ont ciblé la part croissante prise par la recherche effectuée par des citoyens, « en dehors des murs » des laboratoires traditionnels, publics ou privés. En grande partie, il s’agit de « recherche participative » dont l’histoire est très ancienne. Mais l’éducation scientifique de base, maintenant bien plus vaste que dans le passé, l’accès à des nouvelles technologies révolutionnant la quantité de documents accessibles (en premier, Internet), les nouveaux comportements citoyens - comme la revendication d’accéder aux documents originaux de la recherche - mènent la recherche participative à des niveaux inatteignables auparavant.

De plus, une nouvelle partie de la recherche effectuée par les citoyens en dehors des murs des laboratoires émerge : elle est menée par des citoyens ayant bénéficié d’une formation scientifique de haut niveau qui les rend capables de traiter des problèmes compliqués en dehors des laboratoires, publics ou privés, traditionnels. Cette activité, désignée ici par « recherche hors-murs », redéfinit le territoire de la recherche, notamment dans sa composante technologique. Les entreprises privées, en particulier dans les sciences de l’information et de la communication, et dans celles du transport (en particulier spatial) y sont très attentives.

1. https://www.academie-sciences.fr/pdf/conf/rencontres_091217.pdf https://www.academie-sciences.fr/fr/Colloques-conferences-et-debats/la-science-hors-murs-au-21e-siecle.html https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/Citizen_G7_2019_FR.pdf

Ces nouvelles conditions sont de nature à diminuer la vassalité de la recherche participative par rapport à la recherche universitaire, jusqu’à permettre l’éclosion d’activités originales de recherche en dehors même du cadre des laboratoires déjà constitués. C’est cette tendance que nous nommons « recherche hors-murs ».

LA RECHERCHE HORS-MURS

La recherche « hors-murs » implique des contributeurs désireux de mener des progrès scientifiques éventuellement très ambitieux, avec ou sans lien avec des équipes universitaires, en travaillant « hors- murs », c’est-à-dire en dehors du cadre formel des murs – physiques ou administratifs - d’un laboratoire, public ou privé ; ces contributeurs ont la caractéristique d’être déjà formés à des technologies de recherche avancées, y compris très récentes. Il s’agit typiquement de post-doctorants. Cependant, bien que non soumis à la hiérarchie d’un laboratoire dans le cadre du projet auquel ils travaillent, ils peuvent néanmoins collaborer avec des laboratoires « établis » sous des formes diverses.

Cette organisation de la recherche, plus réactive, d’esprit à l’orientation libertaire, s’affranchit de schémas vécus comme « bureaucratiques », et – accessoirement - peut ainsi mieux lever des fonds généralement d’origine privée, et déposer des brevets. L’intelligence collective et des approches coopératives permettant de répartir la puissance de calcul sont ainsi développées en sciences des données, en sciences du spatial, en modélisation moléculaire, en biologie synthétique... Une approche couramment utilisée pour la mise en œuvre de ces projets est celle des compétitions (en anglais : challenges, contests), Elles sont largement pratiquées, y compris par des sociétés privées dynamiques (un exemple en science des données est celui de Kaggle ²6 ). Des exemples détaillés, accompagnés de vidéos, peuvent en être trouvés dans le compte rendu de la section correspondante du colloque de l’AS sur « la science hors-murs au XXIe siècle ²7 » : ils concernent l’espace avec le projet « Fédération » coordonné par le CNES, la science des données, avec les projets coordonnés à l’École normale supérieure de Paris et à Berkeley et Paris-Sud ²8 .

Un autre mouvement de ce XXIe siècle à l’appui du développement de la science hors-murs est celui du « Do It Yourself ». Il est maintenant facile de disposer sur le marché, à des coûts parfois très faibles, des ingrédients permettant non seulement de répliquer des recherches récentes, mais de lancer soi- même des projets ambitieux ²9 .

Si, pour une part, la motivation des participants est l’excitation de la découverte, et parfois seulement elle, les exemples abondent pour démontrer l’importance de l’enjeu économique : par exemple, dans le domaine de l’espace où la France est excellente (en recherche, bien plus que sur le plan industriel), le mouvement « science ouverte » est de nature à renforcer le levier public (compensant ainsi la part de l’espace dans l’enseignement qui est faible), et à dynamiser la recherche grâce à des compétitions et des prix (exemples typiques, américain de l’Ansari Prize de 10 millions de $, mais aussi européens et français) ²10 .

6. https://www.kaggle.com

7. https://www.academie-sciences.fr/fr/Colloques-conferences-et-debats/la-science-hors-murs-au-21e-siecle.html

8. Projets coordonnés par Stéphane Mallat et Isabelle Guyon, présents à cette réunion.

9. Un exemple est celui du développement d’un électrocardiographe portable de très faible coût, coordonné par Mehdi Benchoufi (présent à cette réunion) avec le soutien de centaines de collaborateurs à travers le monde.

10. Source : Julien Cantegreil, participant à cette réunion. contribuent à faire avancer la recherche sur leurs maladies, en répondant simplement, via Internet, aux questionnaires des chercheurs. De fait, ComPaRe illustre superbement comment l’implication et l’engagement des patients constituent un formidable accélérateur pour la recherche médicale4 .

L’initiative ComPaRe permet d’accélérer les procédures de recrutement des patients pour des études cliniques, et de faire gagner 3 à 4 ans aux chercheurs. D’ores et déjà, ComPaRe a permis de constituer des cohortes pour des protocoles de recherche sur le diabète, le vitiligo, la lombalgie chronique, l’hypertension artérielle, l’endométriose..., et devrait être étendue prochainement aux pathologies psychiatriques dont le coût sociétal est considérable (plus de 110 milliards d’euros par an) et pour lesquelles un surcroit d’efforts de recherche est indispensable (cf. actions en cours du ministère des Solidarités et de la Santé).

La recherche participative reste souvent organisée autour d’un laboratoire de recherche « professionnel », mais le laboratoire dialogue maintenant plus et mieux avec les citoyens, qui gagnent en expertise. De nouveaux publics participent : amateurs et passionnés (toujours), personnes directement concernées (patients, habitants, élus, mais aussi militants...), élèves, familles, enseignants, professionnels, entreprises. Elle débouche sur des résultats également plus variés : bases de données, inventaires, cartographies (toujours), mais aussi productions « académiques » sous leur forme classique de publications scientifiques, et outils mobilisables en situation de gestion de crises.

De nombreux exemples5 existent depuis les sciences du vivant jusqu’à l’astronomie ; ils mobilisent des communautés de citoyens diverses, très larges, ou au contraire ciblées (les étudiants en astrophysique, les médecins généralistes pour la détection des épidémies).

Du côté « médecine », l’évolution est telle que dans les pays anglo-saxons en particulier (British Medical Journal 2013 : « Let the patient revolution begin »), on n’imagine plus faire de recherche sans y associer les patients.

LES NOUVELLES CONDITIONS DU XXIe SIECLE

Les nouvelles conditions dans lesquelles se déroule le travail intellectuel au XXIe siècle ont mené la recherche participative à évoluer fortement, dans le sens d’une plus grande autonomie par rapport à la recherche universitaire : tout d’abord, Internet a permis l’accès et la diffusion d’informations à un niveau sans comparaison avec celui du passé. Ensuite, l’élévation remarquable du niveau scientifique de la population (qui peut être objectivé de nombreuses façons : nombres de professeurs, nombre de thèses, proportion de la population ayant le niveau BAC, et au-delà). Enfin, le mouvement général, désigné par « open science », qui permet aux citoyens un accès direct et sans restriction aux publications exposant les résultats de la recherche, et aux détails des programmes de recherche correspondants (données et algorithmes) permettant leur réplication.

4. Marina Kvaskoff, présente à cette réunion, est responsable du programme « endométriose » de ComPaRe 5. Parmi les présents à cette réunion, Denis Couvet a mené de nombreux travaux avec des citoyens en sciences de la nature ; Pierre Encrenaz, avec des étudiants en astronomie ; Alain-jacques Valleron avec les médecins généralistes pour la surveillance des maladies infectieuses (« Sentinelle »)

RECOMMANDATIONS

Les 7 académies des sciences du G7 ont fait, en 2019, les six recommandations suivantes, que nous citons sans modification, compte tenu de leur actualité.

Repenser l'enseignement scientifique afin qu’il permette aux élèves et étudiants d'entreprendre plus tard des recherches scientifiques, qu’elles soient dans un cadre professionnel ou citoyen.

Identifier des mesures permettant à la science citoyenne d’éviter ou atténuer d’éventuels écarts aux règles éthiques, ou des risques en matière de sécurité.

Promouvoir le codéveloppement de la science citoyenne et de la recherche menée en laboratoire.

Permettre aux praticiens de la science citoyenne d'adopter la culture existante en matière de communication et d'évaluation de leurs contributions scientifiques.

Créer des programmes de financement spécifiques pour la science citoyenne.

Promouvoir des systèmes d'information permettant de documenter les thèmes et les résultats de la science citoyenne.